“Les copains d'abord”, pourquoi les amitiés en trail sont-elles aussi fortes ?

“Les copains d'abord”, pourquoi les amitiés en trail sont-elles aussi fortes ?

Au trail comme sur les bancs de l’école, on rencontre ses amis pour la vie… Et pourtant, nous avons passé l’âge de faire les quatre cents coups ensemble ! Alors, que peut-on bien vivre pour nous sentir à jamais lié à cette personne rencontrée au détour d’un chemin ?

Le trail : sport convivial par excellence !

Et bien, figurez-vous que c’est justement au cœur de ce joyeux amusement (arrosé à coups de boisson isotonique), que se nouent de belles amitiés. Celles et ceux qui ne se sont pas (encore) essayés au trail auront, au demeurant, du mal à saisir comment des liens si forts et si particuliers sont parvenus à se tisser entre des personnes si différentes ; et de surplus, au cœur d’un orage en Corrèze, en plein sous-bois breton, ou dans les pâturages alpins.

Si nous devions expliquer rapidement pourquoi ces liens dénués de toute logique sont pourtant si solidement noués, nous dirions que c’est peut-être l’effort qui nous permet d’atteindre un état de vérité. C’est-à-dire que lorsque l’univers place, littéralement, sur un même chemin deux personnes révélées dans leur entièreté, ces deux personnes, aussi différentes soient-elles, ne peuvent s’ignorer. Oh, et puis zut ! Plutôt que vous l’expliquer, le mieux reste encore de vous montrer pourquoi, si on ne les voit pas tous les quatre matins, un Valentin, ou une Camille, et les moments de trail que l’on a vécu avec eux, continuent à nous suivre, bienveillants et discrets.

Faites tomber les masques : pas de chichis entre nous !

En trail, vous pouvez oublier ce que l’on appelle le bien paraître ou le savoir-vivre. Les normes sociales de douces senteurs n’étant bien évidemment pas respectées, au lieu de nous fuir, entre traileurs et traileuses, nous avons tendance à nous attirer comme des mouches, et ça, c’est merveilleux ! Ainsi, cracher par terre est permis, jurer et roter bruyamment aussi, et le tout sans que personne ne nous réprimande ! Ah… La magie du trail ! Ça donne envie, n’est-ce pas ? 

C’est précisément à cet univers plein de fraîcheur et de libertés retrouvées que l’on doit cette facilité à faire de belles rencontres. Et pour cause, les préjugés ne sont plus, seule la tolérance demeure. 

Bien entendu, nous n’affirmons pas que la saleté rapproche, ni qu’un crachat mal visé signe le début d’une belle amitié (quoi que…). Non, nous disons simplement que ce contexte dans lequel les traileurs et les traileuses se retrouvent (autrement dit, dans un état quasi-primitif et loin des codes de la bonne société) est propice à la rencontre. Peu importe le métier que nous exerçons, peu importe d’où nous venons, peu importe qui nous sommes, nous affrontons la même épreuve, dans les mêmes conditions.

Comme les corps odorants et boueux, les émotions vont et viennent également sans filtre. Et se reçoivent de la même manière. Rien ne vaut un bon vieux “j’en ai marre !”, ou un “mais qu’est-ce que je fiche ici ?” pour se rapprocher. D’ailleurs, deux solutions s’offrent à vous dans ces moments-là : la complainte partagée en mode compagnon ou compagne de galère, “mais grave !” ; ou la réfutation raisonnée, genre “mais non, ça va aller, ça pourrait être bien pire”

Mais ne faisons pas décamper les novices qui, à la lecture de ces lignes, se demandent sûrement dans quelle folie ils se sont embarqués. Le contexte du trail permet de partager de jolies choses, d’ouvrir les yeux tout simplement. C’est ainsi qu’un “waw” ou qu’une bouche bée nous font soudain lever les yeux du sol que l’on parcourt machinalement. Et oui, grâce à cette personne, vous avez pu admirer la Loire sous sa brume matinale. Simple cadeau d’un traileur ou d'une traileuse à un ou une autre. La base. Le début d’une longue histoire d’amitié.

“Euh… à l’aide ?”

Criez donc au titre mensonger ! En vérité, les traileurs et traileuses, en bons êtres humains qui se respectent, traînent, comme un boulet à leurs pieds, leur joug de fierté à la noix. Aussi, les traileurs ne demandent jamais d’aide. Ils préfèrent attendre d’être à l’agonie au bord d’un sentier pour daigner quémander un peu de réconfort. Et encore, quand on leur demande s’ils ont besoin d’aide, ils répondent, “non, merci, ça va”, un vieux réflexe d’Homo sapiens. Heureusement pour eux, les autres traileurs n’hésitent pas à leur tendre la main… Ce qui est quand même un comble quand on sait qu'eux-mêmes n’oseraient pas demander un peu d’eau s’ils en avaient besoin ! Enfin, passons, nous ne sommes pas là pour débattre de la complexité (pour rester poli·es) de l’être humain. 

Ainsi, et vous l’aurez probablement deviné, ce ne sont pas les traileurs en difficulté qui sont ici disposés à entamer une amitié… Trop occupés qu’ils sont à ronchonner. Ceux qui vont ici effectuer le premier pas vers eux sont bien évidemment les traileurs proposant leur aide, aka les sauveurs. 

 

Dans le rôle du traileur en détresse, nous avons donc Damien. Et dans le rôle du sauveur, JB.

 

“Ça va ?

Oui, oui, ça va.

Tu es sûr ? Parce que ça n’a pas l’air d’aller… Tu veux un peu d’eau ? J’ai aussi des barres chocolatées en rab’ si tu veux…

Non, non, t’inquiète...

Sérieux, ça ne me dérange pas, dis-moi ce qu’il te manque. Je ne vais pas te laisser ici tout seul de toute façon.

*Damien paniqué à l’idée de retarder JB dans sa course*

Bon, ok… Je veux bien une barre, s’il te plaît”.

 

Ça valait quand même la peine de creuser un peu ! Ah, maudite soit cette manie (cachée sous des airs de “politesse”) de ne jamais rien oser demander. Heureusement, nous avons conscience de pratiquer un sport au cœur de la nature, et nous avons beau sentir le bouc, nous n’en demeurons pas moins civilisé·es : en trail, ce n’est pas la loi du plus fort qui dicte notre conduite. Nous savons que la nature est hostile, et si elle ne l’est pas au premier abord, elle peut rapidement le devenir lorsque nous ne sommes plus en état physique ou psychologique de la parcourir. C’est pourquoi, en trail, une règle d’or prévaut : toujours venir en aide à un·e traileur·euse qui nous semble en difficulté. À savoir que s’il ne s’agit pas de nous à cet instant précis, nous pouvons très bien devenir cette personne en détresse à la seconde suivante. Au fond, c’est aussi pour cette raison que JB a accepté l’aide de Damien. Il s’est dit que, lui aussi, il aimerait que l’on prenne sa main tendue lorsqu’il la propose de bon cœur. 

Comme quoi, nos bagages sur le dos, en l'occurrence ici un sac de trail, ne sont pas des fardeaux, il y a toujours quelque chose à en tirer, que ce soit une barre de céréales ou un peu de bonne volonté. Un·e inconnu·e vous tend l’un des deux, et voilà qu’il·elle compte pour vous. Parce que le trail, c’est aussi ça : se ramasser à la petite cuillère pour ensuite y aller plein pot, ensemble. Ah, oui, on ne vous a pas dit, Damien et JB ne se sont plus quittés jusqu’à l’arrivée (et après) !

Prendre le temps, ensemble

Les courses de trail ne sont pas des compétitions comme les autres et, si compétition il y a, ce n’est certainement pas au sens où nous l’entendons communément. En trail, c’est la course contre soi-même qui importe. Or, se challenger soi-même ne consiste pas simplement à repousser ses limites physiques ou psychologiques. Non, se challenger soi-même, c’est aussi s’améliorer en tant que personne, et pour se faire, il n’y a pas meilleure école que le trail. Il nous enseigne, entre autres, la patience, l’humilité, et l’empathie : des qualités qui se découvrent et s’appliquent au contact de la nature et des autres. Ces autres à qui nous craignons habituellement de montrer notre visage, “c’est vrai quoi, on ne sait jamais”.

Aussi, quelle ne fut pas votre surprise lorsque vous vous êtes vu stopper votre cadence pour demander à cette traileuse si tout allait bien pour elle. Claire, qu’elle s’appelle. Oui, sans même hésiter un peu, vous avez sacrifié votre allure de gazelle en folie pour cette coureuse au ralenti, se traînant tant bien que mal : mains sur les hanches et tête baissée. Il faut dire qu’elle ne vous laisse pas indifférent·e, elle qui vous est pourtant passée devant à un bon rythme, quelques heures auparavant. 

Bon, ce n’est pas comme si vous n’aviez jamais doublé une sportive à l’arrêt (toujours avec un petit mot d’encouragement, of course)... Mais vous ne savez pas comment ni pourquoi, celle-ci, vous avez senti qu’elle était en détresse. Et vous ne vous y êtes pas trompé·e : les traileurs et les traileuses savent flairer la fringale, celle qui coupe les jambes, envahie, et cloue sur-place. Lorsque vous avez sorti cette compote et ces quelques bonbons, le visage de votre nouvelle compagne d’aventure s’est illuminé. Et parce que vous avez compris que Claire avait besoin de discuter, ou simplement de compagnie, vous avez décidé de rester à ses côtés. 

Adieu la course au temps, l’heure est venue de prendre le temps. Vous repartez ensemble, d’abord en marchant, puis en courant, et finalement plus vite que vous ne l’aviez imaginé. Et puis, c’est bien pratique d’avoir quelqu’un pour garder l’entrée du buisson derrière lequel on fait pipi, pour nous rappeler qu’il fallait tourner à droite, ou pour nous attendre, nous aussi, lorsque ça va moins bien. C’est qu’elle se révèle utile, cette âme perdue rencontrée sur un chemin, et désormais devenue sœur !

L’expérience partagée : se comprendre au-delà des mots

Le trail, il faut le vivre pour le comprendre. Nous avons beau nous évertuer à raconter nos courses à nos proches et tenter de leur transmettre un peu des émotions que nous avons vécues, si ces derniers ne sont pas eux-mêmes (encore) adeptes du trail, ils ne pourront appréhender qu’un peu l’ampleur de notre aventure. Ceci suffit d’ailleurs amplement à justifier pourquoi les amitiés en trail sont si solides : entre traileurs et traileuses, on se comprend. 

Nous comprenons pourquoi l’appel du grand air est irrésistible et pourquoi, pour courir, nous sommes prêt·es à faire l’impasse sur un peu de sommeil le matin, ou à braver le froid et la nuit tombée trop tôt en hiver. Nous comprenons à quelle échelle la nature nous fait du bien et nous apaise, et pourquoi y courir seul·e est un réel plaisir et en aucun cas une corvée. Nous comprenons l’effort et le goût amer qu’il nous laisse parfois en bouche, tout comme nous raffolons de l’euphorie qu’il nous procure avant un départ, lorsque les sensations sont bonnes (même après de nombreux kilomètres parcourus), ou encore à l’arrivée d’une course. 

Le trail n’est pas un cercle fermé, loin de là : ses formes sont multiples et se meuvent continuellement dans le temps et suivant ses pratiquant·es. Le trail est Libre avec un grand L (au cas où vous ne l’auriez pas vu). Il a ce pouvoir de réunir des personnes tellement différentes, et d’en être le point commun le plus marquant. 

Le trail est hors du temps, hors de tout, il nous permet d’accepter et de comprendre qu’un compagnon ou qu’une compagne d’aventure n’ait pas constamment besoin de parler, de meubler le silence. En trail, le silence s’apprécie, seul·e ou à plusieurs. Et quand la solitude nous pèse et que nous commençons à douter de nos capacités à terminer une épreuve, nous, traileurs et traileuses, savons combien une simple présence peut sauver un instant de doute, et quels mots font basculer la balance. 

L’amitié se résume à des moments de partage et à une oreille attentive. Aussi, lorsqu’on confie à un·e autre traileur·euse que nous sommes exténué·e, ou qu’il·elle a été pris·e d’une vive émotion face à un paysage, aucun doute n’est permis, aucune justification n’est nécessaire ; et c’est pourquoi il est si facile de communiquer ensemble. D’ailleurs, parfois, les mots ne sont pas utiles, l’émotion se devine. Entre traileurs nous nous comprenons. Nous vivons des moments différents, mais nous vivons la même chose ; et cette même chose, nous la vivons différemment... Nous ne sommes pas tolérant·es, nous incarnons la tolérance (en toute modestie). Et si l’amitié a des airs de tolérance, alors nous devrions tous et toutes être ami·es.

Conclusion

Qu’ils·elles soient réuni·es par la galère, un ravito partagé, ou encore la force de l’instant, les copains et les copines de trail vivent ensemble des moments forts, palpitants, et aussi drôles. La preuve, qui n’a jamais rêvé de pouvoir se plaindre tout haut histoire de soulager ses nerfs à fleur de peau ou ses jambes endolories ? Ça fait du bien ! Et en trail, c’est permis (voire conseillé) ! Rien ne vaut une complainte partagée pour comprendre combien celle-ci est finalement dérisoire, et pour forger des liens d’amitié ! Aussi, vos proches risquent d’être surpris de vous voir arriver main dans la main avec cet·te inconnu·e (qui ne l’est plus !) rencontré·e à peine deux ravitos plus tôt !

Il faut croire que lorsque l’effort nous pousse à nous rencontrer nous-mêmes, nous sommes plus enclins à aller vers l’autre... Et justement, sans cet Autre (qui compte tellement pour vous), vous vous dites que l’escapade au cours de laquelle vous vous êtes rencontré·es n’aurait pas eu la même saveur… Dites-le-lui donc !

Alors, quels sont vos copains de trail à qui vous souhaitez faire une folle déclaration d’amitié ?

signature-juliette

Manon barré

MANON - Fille, sœur, et compagne de cyclistes. Traileuse* élevée en plein air, à l'école du sport. Particule ultra* en cours d'acquisition. Marathonienne et championne de France Junior 2013 du 10 000 mètres marche athlétique. Mordue d'histoires de sportif·ves.

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